Des nouvelles du futur
Mon cher Cik,
J'ai bien reçu tes deux premières tablettes. Quel dommage que l'on ne puisse pas rentrer de Voyage Temporel quelques minutes après le moment où l'on est parti : ton goût pour le passé te fait manquer ce qui se passe au présent. Mais l'Empereur a eu raison de décréter que le nombre de jours passés en Voyage Temporel devait repousser d'autant la date de retour au présent par rapport à la date de départ. Si tout le monde partait en Voyage et pouvait revenir trois secondes après son départ, notre pays serait peuplé de vieillards de 80 ans dont l'Etat civil indique qu'il ne devraient en avoir que 30 ! Ainsi, tout est pour le mieux, grâce à la lumière de l'Empereur, et l'on évite le paradoxe temporel.
Ainsi, dis-je, tu manques tout ce qui se passe au présent. Or notre très Sage Empereur a ouvert l'Ere de la Grande Flagellation, dont il est question depuis si longtemps. Le moment est enfin venu de demander Pardon pour les fautes passées de nos parents ! Pardon pour la Guerre des Deux Europes; Pardon pour la Guerre Nord-Sud ; Pardon pour la Guerre de l'Eau ; Pardon pour la première Guerre Mondiale, Pardon pour la Guerre de Cent ans et d'avoir brûlé Jeanne d'Arc (l'Empereur et l'Empire, tu le sais, se réclament de l'île d'Angleterre); Pardon pour les Guerres Saintes, Pardon pour l'invasion de Rome par les Barbares ; Pardon pour l'éternelle persécution des Tziganes errants. Certes, nous ne sommes pas responsables des fautes de nos parents, mais demander Pardon rend l'âme si légère ! Et surtout, après la Grande Flagellation, l'Empire sera plus pur que jamais pour aborder la triste Guerre d'Asie qui gronde à nos frontières ! Notre Dieu Yabrahmet, nous voyant purifiés, nous donnera la victoire !
C'est pourquoi, dans chaque Cité, les Députés nommés par l'Empereur organisent des processions de flagellants pendant un mois. Je dois te laisser, un agent est venu me réquisitionner, moi qui aime si peu le fouet, pour ce douloureux office.
Que l'intemporelle de lumière de l'Empereur brille sur ton âme!
Ton dévoué,
Attik